Les récifs artificiels sont-ils vraiment efficaces ? Des étudiants répondent avec la vidéo « En quête de récifs »
Pendant plus d’un an, des étudiants en dernière année de Master à la Faculté des Sciences de Montpellier ont mené une étude scientifique sur les récifs artificiels, ces structures immergées en mer pour recréer des habitats naturels. Les étudiants se sont questionnés : ces modules sont-ils efficaces ? Quels impacts ont-ils sur les pêcheurs, plongeurs et autres usagers ? Le groupe de cinq a décortiqué les données du monde entier à ce sujet et a interrogé les acteurs locaux d’Agde, commune dotée de récifs artificiels. L’équipe Méditerranée rend ses résultats.
Les récifs naturels sont parmi les écosystèmes marins les plus diversifiés et productifs au monde. Ils fournissent des habitats essentiels pour de nombreuses espèces marines, notamment les téléostéens (majorité des espèces de poissons actuels). Pourtant, ces écosystèmes subissent de fortes pressions anthropiques (surpêche, pollution, destruction des habitats) entraînant une perte de biodiversité. Pour y remédier, des solutions ont vu le jour comme la création d’Aires Marines Protégées (AMP) ou de récifs artificiels. L’étude menée par les étudiants vise à évaluer les effets des récifs artificiels sur les communautés de téléostéens.
AMP et récifs artificiels, des solutions complémentaires
Les AMP sont des espaces délimités en mer qui répondent à des objectifs de protection et qui favorisent la gestion durable des activités maritimes. D’après le rapport sur le statut sur l’état des AMP publié en 2023 par MedPAN, seulement 18% d’entre-elles ont confirmé avoir un plan de gestion actif. Ainsi, des solutions d’aménagements complémentaires sont envisagées comme les récifs artificiels. Immergées sur sol nu, ces structures sont mises en place pour reproduire certaines caractéristiques d’un récif naturel, recréant des hotspots de biodiversité (zone riche en espèces) et répondant à des fonctions écologiques (refuge, nurserie).
L’importance des récifs naturels n’est pas seulement liée à la diversité biologique, ils répondent aussi à des fonctions économiques puisqu’on note 997 millions de personnes dépendant de ces écosystèmes pour se nourrir ou pour travailler. L’intégration des usagers du littoral est essentielle pour concilier activités économiques et objectifs écologiques et, partant de ce postulat, les étudiants ont consacré une partie de leurs recherches à ce sujet.

Prise sous-marine en septembre 2022 du module principal du Récif’lab, un complexe de récifs artificiels imprimés en béton 3D, immergés à Agde. Crédits : E. Chéré – AMP côte agathoise
Une analyse de données mondiales
L’Équipe Méditerranée 2025 est composée de 5 étudiants de Master 2 de parcours différents, tous issus de la Mention B2E (Biodiversité, Écologie et Évolution). Ensemble, ils ont réalisé une méta-analyse, compilant et analysant des éléments provenant d’études du monde entier qui comparent les récifs artificiels et naturels sur plusieurs critères : biomasse, densité, diversité et richesse des communautés de poissons (voir ci-dessous). Ils ont également réalisé des entretiens et des micro-trottoirs à Agde (Hérault), une ville portuaire qui participe à un programme d’immersion de récifs artificiels depuis quelques années déjà.
Explications des différentes métriques : La “biomasse” représente la masse totale des individus étudiées (ici téléostéens) présents dans une zone donnée, ici récif artificiel ou récif naturel. La “richesse spécifique” relève le nombre d’espèces différentes, tandis que la “densité” donne une idée de l’abondance des poissons puisque cela correspond au nombre de poissons par unité de surface. Les étudiants ont aussi pris en compte la “diversité” qui tient compte de la richesse spécifique et de l’abondance relative de chaque espèce, permettant de mettre en avant si une espèce est dominante dans le milieu ou non.

Photo de l’analyse des données par l’Équipe Méditerranée sur le logiciel statistique RStudio. Crédits : Équipe Méditerranée, 2025.
Les récifs artificiels abritent des communautés de téléostéens similaires à celles des récifs naturels !
Leurs résultats ? Leur méta-analyse révèle que les récifs artificiels présentent une richesse spécifique et une densité de poissons plus élevées que les récifs naturels. En revanche, diversité et biomasse restent similaires, indiquant une équivalence des deux types de récifs. Ces observations signifient que les installations synthétiques remplissent bien leurs objectifs de restauration écologique, avec des indicateurs proches, voire supérieurs, à ceux observés sur les récifs naturels.
Plus encore, ces conclusions sont perçues par les acteurs locaux, démontrant bien un lien socio-économique dans l’immersion de ces modules, tous favorables à la mise en place de récifs artificiels dans leur zone d’activité.
Mener une étude scientifique n’est pas de tout repos et les jeunes biologistes en herbe ont décidé de documenter leur aventure en vidéo. Une manière originale de présenter la démarche de la recherche scientifique, et l’ampleur du travail d’un tel projet. La vidéo est disponible à la fin de cet article.
Un outil complémentaire, pas un substitut
Le concept de récifs artificiels a évolué depuis ces 30 dernières années. S’il y a quelques années, tout objet immergé était considéré comme tel (épave de voiture issue de déchetteries par exemple), la pratique est désormais bien plus encadrée. Les études complémentaires des étudiants démontrent que la composition des modules impacte leur efficacité ; le métal et la roche ayant un effet positif sur les communautés par rapport au pneu.
Bien que la méta-analyse de l’Équipe Méditerranée confirme un effet positif des récifs artificiels sur les communautés de téléostéens, ils ne peuvent se substituer aux récifs naturels. Des efforts de conservation doivent être perpétués, les modules artificiels devant être perçus comme un outil complémentaire.
Ce projet a été financé par la Faculté des sciences – Département de Biologie Écologie, dans le cadre du projet FIRE (Formation Innovante par la Recherche). L’équipe Méditerranée a bénéficié du soutien de l’Aire Marine Protégée (AMP) de la côte agathoise ainsi que de Seaboost, et a été encadrée par Johann Mourier (enseignant-chercheur à l’Université de Montpellier et biologiste à l’Unité MARBEC).
Article rédigé par l’Équipe Méditerranée, 2025 – BOURHIM Célia, DETAMBEL Théo, LAYADI Emma, MARCHAND Anthony, TERRASSE Nafi